Vers un avenir hybride, du show-room à la livraison
On le sait, les chiffres du commerce physique ne sont pas forcément réjouissants. A quelques semaines de l'emblématique Retail Week de New York, la firme PwC a sorti quelques chiffres sur le marché anglais, en proie à une certaine nervosité en raison du Brexit, mais tout de même capable de nous apporter des informations utiles sur l'hexagone.
Une morosité inquiétante
Au cours des 6 premiers mois de l'année, parmi les enseignes possédant plus de 5 points de ventes, on constate que ce sont pas moins de 14 magasins qui ont fermé chaque jour, pour un total de 2692 fermetures, Londres menant par le nombre total de fermetures. Le secteur le plus touché ? L'habillement. Bars et pizzerias n'étaient pas non plus à la fête, de même que les magasins vendant des produits électriques.
Il est vrai que dans le même temps 1569 magasins ont ouvert, ce qui conduit à un solde négatif de 1123 magasins. Pas de quoi pavoiser. Parmi les enseignes affichant un solde d'ouverture positif, les supermarchés, les marchands de crèmes glacées et les libraires. On peut parier que le rebond de la crème glacée aura été liée dans les chiffres à la chaleur estivale. Les cafés façon Starbucks auront également tiré leur épingle du jeu.
L'ennemi est online
La raison principale de ces difficultés ? Le commerce online, concurrent difficile qui ne paie pas de loyer dans des rues passantes et chères : l'immobilier anglais, toujours très élevé, représente l'un des premiers postes de coûts pour les magasins. Le gouvernement britannique évoque d'ailleurs l'idée d'une taxe sur le commerce en ligne, qui servirait à alléger le fardeau des commerçants.
Des perspectives ? Ikea y croit
Pourtant tout n'est pas catastrophique pour tout le monde. Ikea prévoit ainsi d'ouvrir une trentaine de magasins "Touchpoint" de plus petite taille et situés en agglomération à travers l'Angleterre.
Jesper Brodin, le patron de l'entreprise reine des meubles à monter soi-même a ainsi déclaré que "le paysage du retail chance à une échelle et à une vitesse que l'on n'a jamais vues. Tandis que les comportements des clients changent rapidement, nous investissons et développons notre activité pour répondre à leur attentes de façon à la fois plus adaptée et plus innovante." Le groupe parent d'Ikea a ainsi connu une croissance de 2% à travers ses ventes online, avec 2,4 milliards de visiteurs sur ses sites internet, contre 838 millions pour les magasins.
Un retour vers le centre-ville
Alors pourquoi ce mouvement vers des ouvertures de magasin ? Il semble que les grands centres commerciaux péri-urbains n'attirent plus autant les foules et que leur avenir inquiète. En tout cas pour certains produits. L'idée de ces nouveaux magasins concept est en réalité de servir de show-room qui permettra des achats online : les visiteurs pourront y voir et y toucher meubles, cuisines, salles de bains et autres éléments imposants, pour ensuite les commander online et se les faire livrer.
Changement de paradigme
On assiste là à une bascule vers un retail hybride, ou le magasin perd son rôle de fournisseur direct et devient un point d'entrée de la marque. Dans la nouvelle économie, le livreur devient un élément majeur de la chaîne d'achat qui relie le magasin show-room et la livraison client. Un modèle qui permet de répondre au besoin de voir, de sentir et de toucher les articles mais qui évite les difficultés liées à l'attente en caisse, la nécessité de récupérer ses colis, de les mettre dans la voiture (si cela tient) et de subir les embouteillages du samedi pour retourner chez soi..
Quel est l'intérêt du commerce en ligne ?
C'est d'ailleurs à peu de choses près l'intérêt majeur d'Amazon. Quand on y réfléchit bien, on n'utilise pas le géant du commerce électronique parce qu'il présente ses produits en ligne, mais parce qu'ils seront livrés chez soi le lendemain. La partie choix ne constitue pas l'avantage majeur du retailer online américain : on ne peut pas voir les produits, on ne peut pas les soupeser, les essayer. Du coup, on essaie tant bien que mal de se faire une opinion en comparant des produits similaires, en lisant des avis clients dont on sait pertinemment qu'une bonne partie sont bidon, en lisant des réponses idiotes à des questions qui le sont à peine moins, ou en lisant des bancs d'essais absolument pas indépendants puisqu'ils ne sont rien d'autres que des vitrines supplémentaires d'Amazon par familles de produits. Que l'on achète des lits de camps, des vitamines, des ordinateurs, des tapis de yoga ou des fauteuils de jardin, on aurait sans doute préféré pouvoir regarder le produit dans le réel avant de l'acheter.
Le retour au réel
C'est ainsi que l'avenir du retail ne paraît pas si obscur que cela. Débarrassé des contraintes de l'approvisionnement et de la livraison, le point de vente de demain sera un espace destiné à accueillir le client pour lui faire vivre la marque et essayer les produits dans une ambiance et une atmosphère confortable. Les aides à la décision seront constitués d'abord par la force de vente, parce que l'humain est un animal social.
C'est ainsi que les jeunes de la "gig economy" américaine avouent selon CNN, qu'ils prennent des Uber et vont dans des Starbucks principalement pour avoir des conversations réelles avec de vraies personnes ! Le point de vente de demain ne sera donc pas nécessairement bardé d'écrans d'affichage dynamique, mais devra disposer d'un staff hyper-compétent et vraiment formé à comprendre les besoins des clients, le tout dans une atmosphère relax et agréable.
Retrouver une âme perdue
J'étais voici deux jours dans un magasin de meubles design haut de gamme, pour choisir un tissu destiné à recouvrir un canapé italien. Le vendeur, fort compétent et aimable, arborant une montre Reverso au poignet et habillé avec goût, évoquait des éléments qui parlaient au client. Mais plus encore que le magasin savamment décoré, bien éclairé et diffusant à travers des hauts-parleurs hifi une musique de qualité - une sorte de lounge music de type Buddha Bar - c'est la qualité des étoffes proposées qui a joué le plus grand rôle. La texture, le toucher, le tombé et les reflets des tissus dans la lumière du magasin, sur deux ou trois échantillonneurs de tissus, ont permis de faire un choix informé. Il aurait été impossible de vivre la même expérience online. Le tout a été ressenti comme une conversation entre personnes de connaissance, cherchant ensemble à résoudre un problème anodin mais pas sans conséquences. Il ne manquait que le café ou le Perrier-citron pour que l'impression soit totale. Un moment de shopping très éloigné de l'expérience quasi-traumatique vécue habituellement dans la grande distribution. C'est là que se trouve la bascule de modèles. Dans l'avenir, les magasins vont migrer à nouveau vers les villes qu'ils avaient peut-être délaissées, en s'écartant d'une périphérie sans âme, et ils vont retrouver une atmosphère et un moment d'accueil qui va faire toute la différence. Le reste, cartons et livraison, sera laissé aux professionnels du transport qui feront le lien.
L'avenir est à l'expérience client
Chez Ecoutons Pour Voir, spécialiste en retail marketing à travers l'affichage dynamique et la radio in-store, nous croyons fermement que cette vision est la bonne, et nous accompagnons les marques qui nous font confiance, pour les aider à définir les conditions adéquates, qui vont de la radio d'enseigne (un aspect marketing trop souvent négligé) à la façon de former le personnel, à l'éclairage ou à la manière d'effectuer le parcours client en magasin. L'avenir sera certes technologique, mais la technologie n'est qu'un outil et doit s'effacer derrière l'humain. L'avenir est surtout à l'expérience client, une expérience qui passe par une mise en condition qui transforme l'instant dans le magasin en un moment à vivre.