Le marketing retail se concentre sur l'expérience client dans le point de vente, mais il s'avère que bien souvent trop peu d'attention est portée à cet élément crucial du parcours qu'est le passage en caisse. Pourquoi crucial ? Parce que c'est la dernière impression que votre enseigne va laisser au client.
Pourquoi est-ce important de laisser une bonne impression au client qui vient d'effectuer effectivement un acte d'achat ? Parce que le client qui revient coûte moins cher.
Dans le BtoB et online, on sait que le coût d'acquisition d'un nouveau client est supérieur au coût de conservation des clients existant. Le coût d'acquisition client (CAC) est un indicateur simple : c'est la somme de toutes les dépenses marketing, divisée par le nombre de nouveaux clients. Il est d'ailleurs de bon ton de comparer la CAC avec cet autre indicateur qu'est la Customer Lifetime Value (CLV) traduite par Valeur Vie Client, qui correspond aux profits que le client rapportera à l'entreprise...tant qu'il en sera client. (Lorsque le ratio CLV/CAC n'est pas bon, vous avez un problème de dépenses marketing).
Généralement, on considère que la probabilité de vendre à un nouveau client est de l'ordre de 5 à 20%, tandis que la probabilité de vendre à un client qui a déjà acheté dans l'enseigne est de l'ordre de 60 à 70%. Bien que ces chiffres ne tiennent pas compte de la valeur des achats, ils montrent bien qu'il est important d'accorder de l'attention au client actif. Certes, le marketing doit se consacrer au prospect, mais il doit aussi s'attacher au client qui revient. Pour que le client revienne, il faut que son sentiment soit positif.
Améliorer l'expérience client en magasin
C'est pourquoi le temps que passe le client en magasin doit être le plus agréable possible: le client doit apprécier la décoration, l'amabilité du personnel, la qualité des conseils donnés; la variété de l'assortiment, les lumières, la musique diffusée dans le magasin, etc. Mais la conclusion de l'acte d'achat est également très importante, et pourtant elle est très souvent traitée de façon un peu trop rapide voire légère.
Un bon exemple d'une façon de penser trop rapide, c'est l'idée de mettre des écrans en zone de caisse pour donner l'impression que l'attente en caisse est moins pénible. En tant que fournisseur de solutions d'affichage dynamique et d'écrans, nous sommes certes ravis de fournir à nos clients ce type de service qui nous ramène du revenu supplémentaire. Mais nous préférons que nos clients bénéficient de services à forte valeur ajoutée, or selon leur utilisation les écrans ne sont pas toujours la réponse la plus adaptée. Mais pour trouver la bonne réponse, est-ce la bonne façon de poser la question?
Faut-il donner au client le sentiment que le passage en caisse est moins pénible avec des écrans, ou bien faut-il effectivement réduire le temps de passage en caisse ?
C'est la question à se poser. Après les fausses bonnes questions, attention aux fausses bonnes réponses : pour réduire l'attente en caisse, il peut être tentant d'ouvrir plus de caisses, ce qui impose des coûts d'investissement et des coûts de personnels plus lourds. Des études ont montré que lorsque les clients font la queue à une caisse alors que bien des caisses autour sont fermées faute de personnel, ils ressentent de l'irritation (la même irritation que l'on ressent lorsque l'on arrive aux Etats-Unis et qu'il faut attendre 2 heures pour passer aux guichets de la police des frontières - un point négatif indéniable pour l'industrie touristique américaine). Donc paradoxalement, il vaut mieux moins de caisses mieux staffées que plus de caisses moins staffées, même s'il faut équilibrer en fonction des pics de fréquentation.
Quant aux caisses self-service, elles ne sont une bonne idée que si elles sont réservées aux passages rapides avec peu d'articles : les études effectuées dans les supermarchés qui ne proposent que des caisses self-service montrent qu'une partie des clients se déclarent insatisfaits.
Des bonnes réponses, il y en a : il existe par exemple des solutions qui permettent de faire payer le client depuis les allées du magasin : le personnel de vente est équipé d'un terminal de paiement et chaque membre de l'équipe peut procéder à l'encaissement. Cela présente de nombreux avantages à la fois en termes de fidélisation, d'optimisation et de revenu mais aussi de relation client. L'expérience vécue est agréable, sans encombres e donne envie de revenir.
Le passage en caisse, potentiellement riche ou potentiellement dangereux ?
Alors qu'il représente un moment de contact privilégié entre la force de vente et le client, de nombreux problèmes peuvent survenir en caisse. On pense bien sûr à la grande distribution, ou le personnel de caisse travaille dans des conditions à la chaîne qui ne favorisent pas un rapport de qualité avec le client : qui n'est pas tombée sur une hôtesse de caisse peu amène, visiblement fatiguée et qui ne prête aucun intérêt au client ? Le cas classique est celui de l'hôtesse qui vous dit bonjour une première fois, puis bonjour à nouveau quelques secondes plus tard, ayant totalement oublié qu'elle vous avait ne serait-ce qu'adressé la parole. Un point négatif très mineur, mais négatif tout de même.
Mais le problème reste le même dans le retail en général. Nombre de vendeurs oublient de traiter le client avec attention lorsqu'il passe en caisse. Chaque client voudrait être reconnu et apprécié, traité comme une personne de valeur. Or souvent on a le sentiment que le travail est fait, que puisque le client est en phase de paiement les efforts ne sont plus nécessaires. Certains clients repartent même un peu dépités, avec le sentiment d'avoir été floués, simplement parce que la personne qui encaisse n'a pas fait le travail de relation client correctement. La formation du personnel à cet égard représente un enjeu fondamental : il ne sert à rien de dépenser des milliers d'euros en marketing si c'est pour laisser repartir un client insatisfait.
Gare aux études marketing
Parmi les éléments susceptibles d'irriter le client, les études marketing en caisse. "Quel est votre code postal ?". Si je suis déjà client de votre enseigne et que vous me posez la question, je n'ai pas le sentiment d'être traité comme un hôte mais plutôt comme un étranger. En outre, pourquoi vous donner des détails personnels à haute voix à la volée devant 3 ou 4 autres personnes ? On voit parfois aux USA des marques atteindre des sommets dans le genre, en demandant non seulement votre code postal mais aussi votre numéro de téléphone (pour recevoir des coupons) ou le nombre de personnes dans le foyer...
L'épineux sujet de la carte de fidélité
Le sujet de la carte de fidélité est aussi particulièrement intéressant. Passons sur des expériences négatives comme celles ressenties chez une marque française de surgelés bien connue qui lançait récemment une campagne "carte de fidélité" et laissait les hôtesses de caisse mal formées prendre les détails à voix haute. Qu'y a-t-il de plus irritant que d'épeler votre nom de famille et votre numéro de téléphone devant une foue d'inconnus ? A une époque ou la notion de vie privée et de GDPR sont si importantes, voilà un risque de satisfaction client diminuée.
Reste le cas des cartes de fidélité. Le dialogue est généralement de l'ordre suivant :
- Avez-vous notre carte de fidélité ?
- Non
- Vous en voulez une ?
- Heu...
Généralement, la personne vous donne alors d'autorité une carte de fidélité imprimée au format carte de visite, après l'avoir dûment tamponnée, tout en vous expliquant qu'au bout de 10 passages vous aurez le droit à 2 euros de réduction ou une boisson gratuite. Ceci appelle plusieurs remarques.
D'abord, on ne vous expose pas en quoi cette carte de fidélité représente réellement un avantage ou une valeur. Ensuite on vous oblige à conserver sur vous une carte de fidélité (si toutefois vous la conservez). Des solutions existent pourtant : certaines comme Fidelpass ou WeThankYou parmi d'autres proposent une carte munie d'un code-barre à scanner, couplée à une application mobile. Conserver sa carte de fidélité dans son mobile, c'est une bonne idée puisque désormais tout le monde possède un smartphone.
Le coupon cadeau qui fait l'effet inverse
Récemment un coiffeur m'a obligeamment donné le coupon cadeau qui figure ci-dessous. Le nombre d'erreurs sur ce coupon est étonnant.
- Le "cadeau" n'est pas un cadeau mais une simple réduction. Ce n'est pas un cadeau parce qu'on ne me donne pas quelque chose : je paie juste un peu moins. Il est important de choisir le bon langage. Offrez-moi un soin pour mes cheveux, ou un gel.. bref un cadeau. Il aurait fallu appeler cela une réduction, et non pas un cadeau.
- Le "cadeau" me demande un effort. Il va falloir que je conserve la carte dans mon portefeuille pendant 1 mois, et que je pense à la ressortir à ma prochaine visite. Si je reviens. Pourquoi ne pas me donner un coupon virtuel sur mon téléphone par simple contact ? Les solutions techniques existent?
- La valeur du cadeau est insignifiante. Une réduction d'1 euro est intéressante dans un supermarché sur un produit qui coûte une poignée d'euros, parmi un panier qui compte d'autres produits et parce que la caissière applique directement la réduction. Une réduction d'1 euro sur un produit unique à 20 euros, qui me demande un effort, et qui est présenté comme un cadeau, est une erreur marketing.
- Ce "cadeau" me donne un sentiment d'inégalité : pourquoi les dames ont-elles droit à deux fois plus de réduction que les messieurs ? Il est vrai que les dames paient plus cher, mais cela laisse tout de même aux messieurs un sentiment amer. Il serait bien plus intelligent de proposer un % en valeur.
- Qui plus est le "cadeau" affiche une date de validité ! J'ai deux mois pour en profiter, sinon mon cadeau disparait. Quel dommage.
Bref rien dans ce coupon ne me donne envie de le garder ni de revenir, au contraire. J'ai désormais l'image d'un salon de coiffure cheap qui prend ses clients pour des imbéciles. Voilà un bel exemple de possibilité de maximiser la rétention client, transformée en son exact inverse.
Le passage en caisse, acte ultime de la relation client
Vous souhaitez optimiser le parcours client au sein d'une approche omni-canal, est c'est louable. Mais une chaîne de valeur n'est pas plus forte que son maillon le plus faible, et le dernier maillon de la chaîne c'est le passage en caisse. Inutile d'investir dans des sacs papier coûteux imprimés de votre monogramme, dans des messages promotionnels de qualité, dans un aménagement étudié du point de vente, si votre personnel n'a pas conscience de l'importance de la phase de paiement et de la prise de congé, et si les paramètres techniques de la phase d'achat ne sont pas alignés avec vos objectifs. Ce ne sont pas les écrans d'affichage dynamique qui feront revenir un consommateur déçu, car comme nous tous le consommateur fonctionne sur le sentiment.